C’est le grand retour de l’épineux problème : les noms de domaines, et les extensions, discutées depuis des mois, focalisent une grande partie de l’attention des libraires américains. Alors que l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, ICANN, organisation à but non-lucratif a la responsabilité de ces noms, un groupe de 450 libraires rejoint le mouvement de contestation qui prend de l’ampleur.
Les extensions de nom de domaine, ce sont ces petites lettres qui suivent le « . » de tout site internet. On connaît le .COM, le .NET, le .EU, .ORG, .CO.UK, et bien d’autres encore (oui, le .FR, évidemment), mais l’ICANN doit donner son accord pour l’arrivée de nouvelles extensions. Parmi lesquelles, nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, le .BOOK.
Or, celui-ci provoque l’inquiétude des professionnels du livre, parce que sur les rangs de ses potentiels acquéreurs, on retrouve la firme Amazon. Pour quelque 185.000 $, la firme de Seattle pourrait se retrouver avec le contrôle de l’extension, et l’on imagine aisément le malaise, le jour où FNAC, pour ouvrir un site FNAC.BOOK, devra solliciter son concurrent… et futur hébergeur.
François Dubruille, directrice de l’European and International Booksellers Federation (EIBF), pointe les risques de cette ouverture cavalière. En effet, « attribuer à un unique opérateur commercial, des extensions génériques, comme BOOK, AUTHOR ou READ, risque d’induire une situation injuste pour le consommateur et les acteurs concernés. D’abord, parce que le consommateur associera l’extension à l’opérateur commercial. Ensuite, parce que cette propriété est une concurrence déloyale, dont les modes d’attribution sont très discutables ».
À l’heure actuelle, 230 noms sont plébiscités par différents acteurs, et les conflits entre eux peuvent se résoudre par le biais d’enchères, alors que la première de toutes nouvelles extensions doit arriver d’ici la fin de l’année. Problème : pour rivaliser financièrement contre Amazon, dans le cadre d’enchères, il faudra se lever matin… et probablement travailler à plusieurs.
Raison pour laquelle l’Antiquarian Booksellers Association of America vient de rejoindre, avec ses 450 membres, la lutte ouverte emmenée par Barnes & Noble, des éditeurs et des libraires européens. John Thomson, président de cette organisation s’explique : « Je détesterai simplement voir que le processus culturel que les livres représentent, soit contrôlé par une seule et unique société. » En somme, que tout ce qui soit rattaché au livre, par l’intermédiaire du .BOOK, relève du possesseur de cette extension de nom de domaine.
Avec près de 60 % du marché du livre numérique dans son giron, et 25 % du livre papier, Amazon fait l’effet d’un monstre sur ces questions. Et l’on redoute facilement, chez Barnes & Noble, que la détention de l’extension ne serve « à étouffer la concurrence ». Eugene DeFelice et Bradley Feur, dans leur courrier du 21 février ajoutent : « Aucun autre libraire ni éditeur, qu’Amazon ne sera à même de créer » un site internet sur cette extension, « sans avoir obtenu le consentement d’Amazon ». Et là, le bât blesse très fort.
Allan Adler, avocat général de l’Association of American Publishers, tire à boulets rouges : « Cela ne valoriserait pas le genre de concurrence dont nous avons entendu parler, alors que le rôle premier de cette expansion des extensions en est l’objectif premier. » Sollicité par Bloomberg, Amazon a refusé d’apporter le moindre commentaire, soulignant simplement que l’acquisition du nom de domaine reflète la stratégie de la firme.
Source: actualitte.com