Dans la course aux extensions de nom de domaine, sujet récurrent ces derniers mois, le comité consultatif de l’ICANN, l’organisation chargée de la gestion de ces extensions vient de mettre un taquet à Amazon. En effet, elle a recommandé que l’extension .AMAZON ne soit pas accordé à la société. Ainsi, elle ne sera pas mise en vente non plus, suite à un certain nombre de courriers envoyés par le Brésil, le Pérou, l’Uruguay et le Chili.
Ces différents États faisaient valoir auprès de l’ICANN que Amazon représente « une zone géographique », qui inclut plusieurs territoires de leurs pays, avec des communautés propres et des cultures spécifiques. Un ensemble qu’ils appellent identité, et qui est en relation directe avec ce nom, Amazon. « Au-delà des spécificités, cette notion devrait aussi être envisagée comme une question de principe. »
On le comprend aisément : confier à la société Amazon, une extension de domaine qui serait .AMAZON impliquerait que ces nations soient littéralement dépossédées, au bénéfice d’une société privée, d’une part de leur identité. En avril dernier, la même question s’était posée pour l’extension .PATAGONIA, alors que la société Patagonia, Inc, souhaitait elle aussi obtenir cette propriété internautique.
Mais si le cyberespace a ses règles, commerciales principalement, l’ICANN avait tranché en décidant que la création même de cette extension allait être mûrement réfléchie, et sa gestion itou. Depuis sa création en 1998, l’ICANN maîtrise les extensions de nom de domaine, et l’organisme privé, mais à but non lucratif, a fait face à plusieurs demandes particulièrement complexes.
Dans le cas du .AMAZON, la firme de Seattle n’obtiendra pas gain de cause, pour le moment en tout cas. Si le comité consultatif a rejeté la demande, le Conseil de l’ICANN (GAC) a les pouvoirs nécessaires pour aller contre la recommandation. Cela ne s’est que rarement vu, en pratique.
En Amérique du Sud, on serpente…
Situés aux alentours du fleuve Amazone, les pays latinos qui se sont en majorité prononcés contre l’extension, ne sont pas prêts à voir le nom d’une entreprise américaine concurrente être confondu avec leur fameux cours d’eau – le plus grand du monde par la taille de son bassin qui plus est. Des complications sont survenues également pour d’autres noms de marques en langue anglaise, associés à des lieux géographiques.
Amazon a précisé dans un communiqué qu’ils sont en train d’examiner de près les conseils du GAC et qu’ils sont « impatients de travailler avec l’ICANN et les autres parties prenantes pour résoudre le problème ». Bien que la société américaine ait d’ores et déjà moult solutions dans son sac (extensions .kindle, .music, .drive ou encore .blog), la question fait encore débat au sein de l’ICANN pour savoir si Amazon et Google peuvent s’octroyer des termes aussi généralistes.
Autre facteur qui n’est pas en faveur d’Amazon : le gouvernement américain semble aller de pair avec le rejet des pays d’Amérique du Sud. L’entreprise ne devra donc pas compter sur lui pour l’épauler. Les récentes fuites de la National Security Agency au sujet d’un vaste programme de surveillance numérique ont « affaibli la capacité du gouvernement américain à se battre pour ses intérêts économiques », d’après le directeur général de FairWinds Partners, Nao Matsukata.
Manifestement, Hippolyte, la reine des Amazones, séduite par Heraclès, aurait également opposé un refus catégorique à la vente de cette extension : « Plutôt me couper l’autre sein ! »
Le .BOOK dans les starting .BLOCS
Depuis juin 2012, une bataille a commencé, alors que l’ICANN s’apprête à ouvrir la vente et la gestion de noms communs, devenus des extensions de nom de domaine. Une liste de 2000 termes a été présentée, avec nombre d’entre elles qui prêteraient à sourire : .google ou .pizza, .app ou encore .drive, .earth, .family, .mom ou bien d’autres encore… y compris le .book. Et Amazon figure parmi les premiers intéressés par ce dernier.
Chaque extension coûte 185.000 $, avec des frais de fonctionnement de 25.000 $ annuels, et il est évident que n’importe quel acteur ne peut pas s’offrir le luxe de cet investissement.
Ce qui est certain, c’est que l’intérêt des grands groupes à contrôler ces extensions reposant sur des termes génériques est évident. On conçoit tout à fait qu’un Renault décide d’acheter un .VOITURE, qui servirait tout particulièrement sa cause.
Et c’est à cela que l’ICANN réfléchit donc – avec pour l’aider dans sa réflexion, des lettres comme celle de Russel Pangborn, avocat général adjoint du commerce des marques, chez Microsoft. Selon lui, « cette situation menace l’ouverture et la liberté de l’Internet et pourrait avoir des conséquences nuisibles pour les utilisateurs du monde entier ».
Mais en outre, l’idée que des mots génériques puissent appartenir en propre à une société représente un danger évident pour les concurrents d’un même secteur, qui seraient alors contraints d’acheter une licence d’exploitation au détenteur. Arriver à une situation où FNAC serait le client d’Amazon, pour disposer d’un site qui serait www.fnac.book serait simplement délirante.
Source Actualitte.com