Le .FR et l’exception française, de quoi s’agit-il ?

Depuis le 21 novembre 2011, les litiges relatifs aux noms de domaine « .fr » créés ou renouvelés après le 1er juillet 2011 peuvent être résolus dans le cadre de la nouvelle procédure Syreli.

Le .FR avait été précurseur en 2004 lorsqu’il avait confié la gestion de sa procédure extrajudiciaire à l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Il continue, car son propre registre statue désormais sur les plaintes des tiers, notamment des titulaires de droits de propriété intellectuelle, pour se prononcer sur une demande de transmission ou de suppression d’un nom de domaine en .FR. Ce n’est le cas d’aucune autre extension nationale.

La sanction de la violation des conditions de validité des noms de domaine en .FR
Le règlement du système de résolution des litiges (Syreli), est entré en vigueur le 21 novembre 2011, suite à l’arrêté ministériel du 21 octobre 2011. Il s’applique aux noms de domaine créés ou renouvelés après le 1er juillet 2011. Le demandeur à la procédure doit prouver son intérêt légitime à agir et le non-respect des conditions de validité des noms de domaine en .FR, soit (art. L. 45-2 du Code des Postes et Communications électroniques ou CP&CE) :

la violation de l’ordre public et des bonnes mœurs ou l’atteinte à des droits garantis par la Constitution ou par la loi.
l’atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf preuve apportée par le demandeur d’un intérêt légitime de sa bonne foi.
l’atteinte au nom de la République Française, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales ou d’une institution ou service public national ou local, sauf preuve par le titulaire mis en cause de son intérêt légitime et de sa bonne foi.
S’agissant des critères de l’intérêt légitime et de la mauvaise foi, le décret donne des exemples, sans que la liste soit pour autant exhaustive (art. R. 20-44-43 du CP&CE). La méthode adoptée reprend celle déjà appliquée depuis la création de la procédure UDRP (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy) par l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) en 1998.
Les frais de la procédure sont de 250 € HT, à la charge du demandeur, et le nom de domaine est suspendu dès que la procédure est engagée, pour empêcher son transfert à un tiers, tout usage restant possible. La procédure dure deux mois, elle est contradictoire.

La procédure Syreli et l’exception française
Chaque affaire est confiée à « un rapporteur au sein de l’AFNIC qui présente les compétences et expériences nécessaires pour garantir la bonne exécution de son intervention » (Règlement du système de résolution de litige, art. II ii). Les trois membres sont le Directeur général de l’AFNIC, en qualité de Président, et deux membres titulaires nommés par le Directeur général de l’AFNIC parmi les collaborateurs de l’AFNIC, en raison de leurs compétences juridiques (Règlement du système de résolution des litiges, art. VI a). Les décisions sont prises à la majorité des membres et sont rendues par le Directeur général, au nom de l’AFNIC, sur la seule base des arguments et pièces communiquées par les parties.
La décision peut être contestée dans les quinze jours, sous la forme d’une action en justice en première instance. A défaut de contestation et de demande d’exécution de la décision par l’une des parties dans les soixante jours, l’AFNIC se réserve le droit de supprimer le nom de domaine objet du litige.
La procédure judiciaire reste pertinente, après une décision de l’AFNIC favorable au titulaire de droit, pour demander une condamnation indemnitaire et une interdiction, ou encore lorsque le litige est complexe et doit être réglé globalement, sans isoler la question du nom de domaine. Bien entendu, la médiation amiable ou judiciaire reste possible, sur accord des parties. Elle est rare.

La procédure Syreli et le nouveau régime juridique du .FR
Rappelons que l’ancien article R. 20-44-45 du Code des Postes et Communications Electroniques (CP&CE) avait conduit à la création de la procédure PREDEC (Procédure de résolution des cas de violation manifeste des dispositions du décret du 6 février 2007), critiquée car jugée trop peu transparente.
La décision du Conseil constitutionnel en date du 6 octobre 2011 avait abrogé ce dispositif, pour inconstitutionnalité (voir « Nouvelle loi sur le .FR : du difficile équilibre entre droit des marques et droit des noms de domaine », Journal du Net du 4 janvier 2011, M-E Haas). Du fait de cette abrogation, il n’a pas été possible de mettre en cause les droits sur un nom de domaine en .FR selon une procédure extrajudiciaire, entre le 15 avril et le 21 novembre 2011, d’où l’intérêt de la procédure Syreli.
Le .FR est désormais régi par la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011
(articles L. 45 à L. 45-8 du CP&CE) entrée en vigueur le 30 juin 2011 et par le décret no 2011-926 du 1er août 2011 (articles R. 20-44-34 à R. 20-44-44 et R. 20-44-50 du CP&CE).

Encore des questions en suspens…
Toutes les questions ne sont pas réglées.
Notamment, les interrogations suivantes demeurent : A quelle date doit-on apprécier la bonne foi et l’intérêt légitime : à la date de création du nom de domaine ou, par la suite, à chaque date de renouvellement ? Pourquoi avoir limité la procédure aux droits de propriété intellectuelle, sans y inclure les droits sur une dénomination sociale, un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine ? En cas de recours, quelle loi le juge va-t-il appliquer ? Les conflits entre marques et noms de domaine vont-ils être réglés uniquement sur le fondement du CP &CE, en excluant les règles du droit des marques ?
Enfin, une autre procédure extrajudiciaire va-t-elle être créée et confiée à l’OMPI ? A ce jour, cela n’est pas prévu.

Auteur : Marie-Emmanuelle Haas

Source : JournalDuNet.com