Encore méconnu, le 12 mars est la journée mondiale contre la cyber censure et l’occasion de s’interroger sur les étroites relations entre les conflits politiques d’ordre national et Internet.
Depuis les récents conflits politiques en Egypte, en Tunisie et en Libye, une arme politique, économique et sociale a vu le jour. Selon Renesys, le site spécialisé dans la surveillance du Web, à la suite de la coupure du dernier FAI Egyptien Noor : « in an action unprecedented in Internet history, the Egyptian government appears to have ordered service providers to shut down all international connections to the Internet ».
Source : http://www.google.com/transparencyreport/traffic
Internet est partout et cet outil, support ou réseau est devenu indispensable pour les particuliers comme pour les entreprises.
La coupure du réseau apparaît comme la nouvelle menace politique imparable des gouvernements. Elle affecte tant les habitants des pays concernés, que les entreprises étrangères ayant des intérêts dans ces pays à travers leurs sites web, et bien au delà le monde entier qui les observe. Plus aucune information n’entre dans le pays, n’en sort et circule au sein même du pays.
- Qu’en est-il de nos droits ?
Le blocage total porte atteinte à notre droit d’accès à Internet, mais plus généralement à notre droit à l’information et au droit fondamental que représente la liberté d’expression.
Rappelons que dans certains pays Internet est considéré comme une menace potentielle contre l’image et la stabilité. Les gouvernements, comme en Tunisie, mettent en place un strict contrôle, un filtrage des sites internet et une réelle censure qui leur permet de contrôler étroitement l’information. Par exemple le site Facebook a été bloqué en août 2008 provoquant de vives protestations en Tunisie.
Lorsque les peuples égyptien, tunisien et libyen se sont fait entendre il y a quelques semaines, les gouvernements ont suivi leurs politiques de contrôle et coupé tout accès à Internet pendant une durée plus ou moins longue. Leur but ultime étant de désorganiser les émeutes, les manifestations et d’empêcher la révolte des peuples. Autrement dit, contrôler les mouvements de masse en bloquant Internet.
Cette décision gouvernementale va-t-elle obliger les Organisations internationales à définir clairement le droit d’accès à Internet ou le droit à l’information ?
Cette question sera peut-être abordée lors de la réunion annuelle de l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) qui se tient jusqu’au 18 mars à San Francisco. L’un des points du programme étant l’éventuel transfert à l’ONU (Organisation des nations Unies) de la gouvernance d’Internet actuellement confiée à l’ICANN.
- Blocage, mode d’emploi
On connait l’interruption d’un site web en cas de problème technique, on connait aussi l’interruption d’un site web par les autorités visant l’interdiction des sites à caractère pornographique ou terroriste. On connait désormais l’interruption d’un site web via une décision gouvernementale.
A titre d’exemple lorsqu’un internaute tente d’accéder à un site interdit, le message suivant s’affiche systématiquement : « Error 404 : page not found », sans indiquer la fameuse « Error 403 : Forbidden », plus caractéristique du blocage. L’internaute ne sait donc pas si le site a été placé sur une liste noire ou s’il s’agit seulement d’une erreur technique ou désormais s’il s’agit d’une décision de couper l’accès à Internet émanant du Gouvernement.
- Les noms de domaine en .EG, .LY et .TN sont-ils menacés?
L’Egypte a ainsi brutalement coupé l’accès au réseau Internet sur tout le territoire en bloquant des protocoles BGP (Border Gateway Protocol, permet aux site de signaler leur adresse) et DNS (Domain Name Server, permet aux navigateurs Internet de s’orienter sur le Réseau). En l’absence de ces protocoles la coupure d’Internet est totale. Notons que le registre égyptien de nom de domaine a toujours exigé que les serveurs DNS des noms en « .EG » soient localisés dans le pays.
La Libye a été plus mesurée, tout du moins au début, imposant des coupures d’Internet intermittentes et limitées dans le temps. Puis, le 3 mars 2011 les autorités libyennes ont coupé l’accès à Internet et aux sites hébergés dans le pays. Le réseau revient petit à petit à l’heure actuelle.
Grande frayeur pour les entreprises ayant un ou plusieurs sites web actif(s) dans ces pays. A titre d’exemple le fournisseur d’accès internet Egyptien Noor, qui ne fut pas épargné par la rupture du réseau, propose notamment ses services à de grands groupes comme Coca-Cola, Lafarge ou Exxon Mobil. Autre exemple, le site de la Bourse du Caire a été indisponible plusieurs jours.
La rupture du net entraine inévitablement une désorganisation économique des pays et menace la pérennité des sites web de grands groupes présents dans ces pays. En effet l’extension .LY, notamment, a été choisie par de nombreuses entreprises grâce au jeu de mots anglophones qu’elle permet. On pense par exemple au site français DAI.LY pour « Dailymotion » mais aussi au fameux site américain BIT.LY qui permet le raccourcissement d’adresses Internet apprécié des internautes utilisant les réseaux sociaux et autres sites de microblogging.
- Les solutions pour certains sites
Pas de panique ! Internet, le géant, a d’autres ressources en cas de problème d’accès. La plupart des serveurs des sites concernés sont tout simplement repartis dans plusieurs autres endroits du globe, c’est la force d’Internet, pas de racine et pas de frontière.
L’inaccessibilité des sites web provoquée par le blocage du réseau Internet a été contournée pour certains. L’existence de ces noms de domaine a donc été partiellement protégée. Malgré tout, certains sites demeurent encore aujourd’hui inactifs. A titre d’exemple, le site web nic.ly (Network Information Center en Libye) est inaccessible sur le réseau.
Le site BIT.LY a trouvé une autre solution, il conseille désormais à tous ses internautes de se diriger vers un site alternatif http://j.mp/ qui offre les mêmes services.
Gardons à l’esprit que les noms de domaine avec des extensions géographiques, les ccTLD’s, restent pour la plupart contrôlés par les gouvernements nationaux. Dans le contexte actuel, l’Egypte, la Libye ou la Tunisie peuvent très bien s’ils le souhaitent faire disparaître de la toile les sites web des entreprises étrangères en .EG, .LY ou .TN, dans ce cas on pourrait réellement parler d’un risque de suppression des noms de domaine. Au jour d’aujourd’hui on imagine mal un pays franchir le pas de la suppression d’une zone de nommage entière alors qu’Internet donne le rythme de la vie de chacun, mais qui sait ?
Article de Mlle Andréa MARINETTI, stagiaire au cabinet Meyer & Partenaires
Source: Vox PI