ASHLEY SADDUL : Reussite.com

Il a fallu de l’intelligence, de l’esprit d’entreprise et du flair. Coup de bol pour Ashley Saddul: il possède les trois. C’est ce qui l’a poussé à devenir entrepreneur sur internet. Particulièrement dans le courtage de noms de domaines – Des exemples de noms de domaine sont lexpress.mu, linux.org ou encore youtube.com – Un métier très avantageux pour qui sait s’y prendre. D’où un article sur le jeune homme le mois dernier dans le magazine d’affaires américain, Condé Nast Portfolio dans la rubrique métier du mois.

Fort de plus de dix ans d’expérience dans tout ce qui touche à la technologie informatique et à l’internet, Ashley Saddul a fondé officiellement Impressive Domains.com depuis 2004. Une plate-forme pour les acheteurs et les vendeurs de noms de domaines.

C’est en 2003 que l’idée lui trotte dans la tête. Il entend parler d’un étudiant qui se faisait suffisamment d’argent grâce à un nom de domaine d’un site de jeu de hasard pour payer l’hypothèque sur sa maison. «Cet homme avait seulement quelques liens publicitaires sur une page internet, et encaissait des revenus à travers ceux qui cliquaient sur ces liens. Sans bouger le petit doigt!» Ashley Saddul tente alors de faire pareil. Sans succès. Faute de s’y être pris à temps. «J’entrais quelques années trop tard dans le jeu. Les noms des domaines sont uniques. Une fois que vous en enregistrez un, c’est pris pour toujours. A moins que vous le vendiez.» C’est avec cette idée en tête qu’il fonde sa compagnie. Quelques mois plus tard, il vend le site wallpapers.com pour environ Rs 8 millions. Une des plus grosses ventes dans l’industrie en 2004.

Peu après, il quitte son poste à la Fleet Bank, la cinquième plus grande banque du pays. Il y dirigeait le département de technologie depuis 2002.

«à‡a m’amuse de penser que j’étais assez bon pour l’Amérique, mais pas assez bon pour Maurice. Eux avaient vu mon potentiel et étaient prêts à parrainer quelqu’un qui vivait à l’autre bout du monde.»

Quatre ans après la création de sa compagnie, Ashley Saddul n’est pas peu fier de son parcours. Remarquez qu’il n’y a pas de raison pour que ce soit autrement. «Toute entreprise en ligne commence avec un nom de domaine. Si vous êtes propriétaire des meilleurs noms de domaine, l’Internet vous appartient presque», raconte-t-il avec enthousiasme. «Selon moi, c’est l’industrie la plus lucrative que l’histoire ait connue. Où ailleurs peut-on voir un investissement de Rs 300 par an se vendre à près de Rs 15 millions quelques années plus tard ? Certains noms de domaine sont de vraies mines d’or. D’autres noms peuvent faire seulement Rs 600 de profit par mois. Mais qu’en serait-il si vous en aviez 1 000 comme ça…»

Comment ce Mauricien a-t-il réussi d’avoir autant de succès dans un pays tel que les Etats-Unis? Après ses études secondaires au Mahatma Gandhi Institute, il obtient une bourse australienne. Il poursuit alors ses études au Murdoch University à Perth. Il obtient son diplôme en informatique et en mathématiques. De retour à Maurice, il peine à trouver du travail. «J’ai passé des entrevues dans presque toutes les boîtes informatiques de Maurice sans succès. Je ne pouvais même pas donner un cours d’introduction de Word Perfect payé Rs 100 l’heure ! C’était très frustrant. J’ai su dès lors qu’à Maurice ce serait l’impasse pour moi.»

Il parviendra à trouver un poste à temps partiel au Mauritius Institute of Education où il est amené à donner des cours en informatique à des enseignants du secondaire. Il y reste jusqu’à ce qu’une occasion se présente à Singapour. Il saute dessus. Mais, la vie y était très dure ; il travaille douze heures par jour, six heures par semaine, et gagne très peu. En 1994, il débarque aux Etats-Unis avec un visa touriste pour six mois et quelques Rs 25 000 en poche. «Je ne sais toujours pas ce qui m’avait attiré vers l’Amérique. Peut-être l’envie de vouloir être aussi loin de Maurice que possible… On me disait toujours qu’un visa américain était hors de portée d’un Mauricien, sans parler d’y trouver un travail. Je voulais leur montrer qu’ils avaient tort.» A force d’envoyer des douzaines de CV chaque semaine, il est embauché comme ingénieur en informatique par la compagnie American Power Conversion où il passe cinq ans. «Aujourd’hui, ça m’amuse de penser que j’étais assez bon pour l’Amérique, mais pas assez bon pour Maurice. Eux avaient vu mon potentiel et étaient prêts à parrainer quelqu’un qui vivait à l’autre bout du monde. Tandis que le pays qui avait investi dans mon développement ne trouvait aucune valeur en moi. C’est pour moi la mère de toute ironie.»

Est-ce que ces mésaventures ont définitivement entamé une quelconque envie de revenir à Maurice ? «Je ne peux pas abandonner Maurice. Mais pour le moment, le paysage est prohibitif à tous les niveaux.» Ashley Saddul raconte qu’il avait monté une entreprise à Flic-en-Flac, mais il a dû abandonner parce que la connexion internet était «7 % de ce que je payais en terme de vitesse, en plus d’être vingt fois plus cher qu’aux Etats-Unis.» Il soutient également avoir voulu faire partie de la Cyberîle. Mais, a abandonné l’idée voyant là une rhétorique vide. Il y a là-bas une concentration de centres d’appel, des services d’externalisation… Il n’y a rien de cyber avec ces services-là… Nous pouvons construire le bâtiment le plus intelligent du monde, mais nous ne pourrons jamais rivaliser avec les économies d’échelle de l’Inde en termes de coût de main-d’Å“uvre. Il ne faut plus croire que ceux du secteur vont courir vers Maurice parce qu’on est bilingue. Les Indiens sont assez intelligents pour apprendre le français. Tout comme les Français le sont aussi suffisamment pour apprendre l’anglais et ainsi éliminer un intermédiaire qui a peu de valeur ajoutée dans le processus.»

Aujourd’hui, à 37 ans, Ashley Saddul a envie d’ouvrir un magasin d’épées, de couteaux et d’armures. Il y voit là une façon d’accaparer une riche clientèle. Qui plus est, il possède déjà le nom de domaine Swords.com. Cela facilite les choses.
Fort de son éclatant succès, un conseil de sa part ne serait pas de trop. Il fait ainsi un appel à la majorité des adolescents de Maurice pour trouver ce qu’ils sont dans la vie et à poursuivre leurs rêves, sans laisser quiconque, même leurs parents, les dévier du but fixé. «Ne vous contentez pas de vous enfermer dans une chambre à ingurgiter des théories qui ne vous serviront à rien. Nous avons un des pires et un des plus archaïques systèmes d’éducation au monde… Je suis spécialiste en informatique. Et jusqu’aujourd’hui, je n’ai pas encore compris pourquoi j’ai perdu mon temps à apprendre la chimie et la physique à l’école… Et après ça, on se demande comment des gamins américains de vingt ans deviennent des milliardaires et comment des Mauriciens de 20 ans sont fiers de pouvoir réciter la loi de Boyle» ?

Auteur : Corinne MINERVE

Source lexpress.mu

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