Deux jeunes et très allumés internautes hollandais ont pensé très vite jeudi matin; plus vite que Ferrari, semble-t-il. Victor Eekhof et Steven van de Staak ont lu sur internet que Ferrari, à la suite d’une poursuite en cour de Ford, changeait en catastrophe le nom de leur formule 1 de «F150» à «Ferrari 150th Italia». Ils ont vérifié si le nom de domaine www.ferrarif150thitalia.com était disponible.
Il l’était. Alors ils l’ont acheté et se retrouvent aujourd’hui propriétaires d’un nom qui devrait logiquement avoir beaucoup de valeur pour Ferrari. Juste pour couvrir tous les angles, les deux jeunes internautes de 25 ans ont aussi acheté le nom de domaine www.ferrarif150th.com. «On a payé 50 euros (67 $) pour les deux noms de domaine», a indiqué à La Presse Victor Eekhof, joint par téléphone à Amsterdam.
Hier toute la journée et au moment de mettre ce texte en ligne, si vous tapiez une de ces deux adresses sur internet, vous tombiez sur un site avec un message destiné à Ferrari: «Cher Ferrari. Nous sommes vos plus grands fans, et nous voudrions vous rendre ce site web. Je suis sûr qu’on peut s’entendre… Contactez-nous. Avec amour, Steven et Victor». Un lien mène ensuite au site www.ferrarif150.com, que Ferrari devrait changer si la compagnie veut éviter les ennuis avec Ford.
Ce matin (jeudi), Ferrari a précipitamment changé le nom de son bolide F1 2011, en réaction à une poursuite en dommages et intérêts déposée par Ford mercredi en fin d’après-midi à Detroit. Ford s’objecte à ce que Ferrari nomme son auto de course F150, parce que F-150 est une marque déposée par Ford partout au monde depuis 1995, et que le F-150 est un pick-up connu internationalement qui a généré des revenus bruts de 180 milliards de dollars depuis 1997, indique la poursuite.
La poursuite déposée par Ford dresse une liste longue comme le bras des dommages allégués, mais le site internet www.ferrarif150.com est nommé spécifiquement une demi-douzaine de fois. Au sujet de ce site, Ford accuse Ferrari de piratage internet et réclame des dommages à parfaire de 100 000 $ uniquement en vertu d’une Loi américaine qui interdit le «cybersquattage». Ford demande même au juge que le site internet lui soit remis. Ferrari a donc déclaré qu’elle allait faire disparaître le nom « Ferrari F150 » et nommer désormais la voiture «Ferrari F150th Italia» dans «toutes les facettes de ses activités», mais son site internet demeure à l’adresse internet www.FerrariF150.com… peut-être parce que le nom de domaine www.ferrarif150thitalia.com a été acheté hier matin par les deux Hollandais, avant que Ferrari ne pense à le faire.
Ils veulent des billets pour un Grand Prix
Grâce à l’outil de recherche http://domains.whois.com/, La Presse a retracé le propriétaire du site www.ferrarif150thitalia.com, qui est au nom de Victor Eekhof. Et on l’a appelé au téléphone à Amsterdam. Quand il a répondu, il a pensé que c’était Ferrari qui appelait. Une fois ce malentendu clarifié, on lui a demandé combien lui et son ami espéraient obtenir de Ferrari pour les deux sites internet.
«On ne sait pas vraiment ce qu’on veut en échange du nom, a dit Victor Eekhof , on n’a pas vraiment eu le temps d’y penser. Je pense que c’est à Ferrari de nous faire une offre. Mais on voudrait une entente pour qu’on assiste à une course, peut-être quelques unes. Steven et moi, on est des fans énormes de F1 et de Ferrari.»
Quoi? Vous voulez juste des billets?, lui a-t-on demandé. Vous voulez assister à la course juste comme fans, ou dans le cadre d’une entente commerciale avec Ferrari?
«Euuh, oui, bon, c’est sûr qu’à bien y penser, j’ai aussi une compagnie qui organise des partys à Amsterdam. Je pourrais aussi organiser un party pour Ferrari!», a-t-il dit, montrant encore une fois un beau sens de l’improvisation.
Il dit que c’est la première fois qu’ils font ça et que l’idée est celle de son copain Steven. «On passe beaucoup de temps sur internet. Je travaille pour une banque comme webmestre, Steve fait la même chose pour une compagnie d’assurances.»
«Je suppose que Ferrari dort»
Hier au moment de mettre ce texte en ligne, Victor et Steven n’avaient pas encore eu de nouvelles de Ferrari. «Non, rien encore», a écrit Victor par courriel. «Je suppose qu’ils dorment. Ça ne serait pas la première fois, haha.»
Durant les premières années de l’internet, enregistrer un nom de domaine susceptible d’être repris par une compagnie était une pratique courante. À l’époque, bien des gens ont acheté des noms de domaines contenant des noms de grandes compagnies et les ont vendus à leur utilisateur naturel pour de fortes sommes. Mais jamais, à notre connaissance, en échange de deux paires de billets pour un Grand Prix de F1 dans la loge Ferrari.
De nos jours, les départements juridiques des grandes compagnies s’assurent généralement d’acheter les noms de domaines correspondant aux noms de marques qu’ils envisagent de lancer.
Aux États-Unis, cette pratique est maintenant interdite par l’Anticybersquatting Consumer Protection Act de 1999. Au Canada, l’Autorité canadienne pour les enregistrements internet réglemente les noms de domaine depuis 2000. Plusieurs pays considèrent comme de l’extorsion l’acquisition d’un nom de domaine dans le but de le vendre à son utilisateur naturel.
On ne sait pas quelle est la loi aux Pays-Bas, mais Victor et Steven devraient le savoir bientôt.
Source: CyberPresse.ca