ans une décision n° DMA 2010 – 0001, le Centre d’Arbitrage des Conflits de nommage (OMPI) a tranché au profit de la Société Galeries Lafayette (demanderesse) contre Monsieur Abdeslam Mekouar (défendeur). Ce dernier a utilisé l’appellation commerciale « Galeries Lafayette » comme nom de domaine pour son site Galerieslafayette.ma qu’il a enregistré auprès d’un prestataire marocain (Registrar), en l’occurrence Arcanes Technologies. La demanderesse rappelle que l’appellation commerciale « Galeries La Fayette » est enregistrée aussi bien au Maroc (auprès de l’OMPI) qu’à l’international (auprès de l’OMPIC); qu’en outre, la société est très connu (notoire) ; et que par conséquent, le défendeur ne pouvant prétendre ignorer l’existence de cette marque protégée, il est présumé avoir agit de mauvaise foi en enregistrant comme nom de domaine le nom commercial des Galeries Lafayette. Le Centre a tranché pour la restitution du nom de domaine à la Société « Galeries Lafayette » (décision à consulter sur).
La décision du Centre d’arbitrage a été rendue début avril, et pourtant la consultation de la base des données Whois de Maroc Telecom (en tant que Gestionnaire) sur http://whois.nic.ma/whois.asp nous révèle que le nom de domaine www.galerieslafayette.ma est toujours enregistré au profit de M. ABDESSLAM (avec des contacts administratifs et techniques incomplets, ce qui contraire aux dispositions de l’article 9 de la charte) et qu’il est toujours ACTIF (ouvrant sur une page d’accueil avec la mention « Copyright © Abdesslam MEKOUAR 2009-2010.Tous droits réservés: ». Et il est toujours référencé sur le moteur de recherche Google.
Cette sentence arbitrale va surement amener les Société marocaines à prendre conscience de l’importance à protéger leurs identifiants numériques sur le Net. Avant décembre 1999, les internautes, procédaient à l’enregistraient de plusieurs noms de domaine, sous différentes extensions, en utilisant pour cela les appellations commerciales des grandes sociétés. Et en vertu de l’application en en ce moment du principe « premier venu, premier servi », cette pratique était tolérée, ce qui permettait aux délinquants de faire chanter les sociétés victimes. Conscients de ces dérapages, l’OMPI a ouvert à l’international des débats qui ont abouti à l’adoption en 1999 des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaines (principes UDRP) qui mettaient en cause le « principe du premier venu premier servi » lorsqu’il s’agit d’enregistrement de mauvaise foi d’appellations commerciales. Les pays de l’Union Européennes ont intégré les mêmes règles dans leurs législations nationales. Pour prévenir les dérapages, les Registrars ont été contraints de vérifier au préalable auprès des organismes compétents (par exemple, l’INPI en France) l’existence ou nom de similitude entre un nom commercial enregistré et le nom de domaine requis.
Pour ce qui est du Maroc, la protection en la matière gagnerait à être renforcée, tant en ce qui concerne la solennité du texte en la matière que de son contenu. En effet, et à l’instar des pays partenaires économiques, la charte de nommage aurait gagné en force juridique si elle avait été adoptée sous forme législative ou, tout au moins réglementaire, au lieu d’une simple décision du Directeur de l’ANRT (Décision ANRT/DG N°11/08 du 29 mai 2008). Quant au volet contenu de cette décision, l’article 29 semble exclure du champ d’application de l’arbitrage les conflits portant sur les noms de marque et noms de domaine (elle les renvoie apparemment à la justice). Si tel est le cas, ce serait dommage pour la prévention du cybersquattage, du typosquattage et autres formes de parasitage ou de concurrence déloyale. Par ailleurs, la même décision reste fragile en ce qui concerne la protection des marques. En effet, son article 11 que lors de l’enregistrement, le prestataire vérifie seulement si le nom de domaine n’a pas été enregistré au préalable en vertu de principe du « premier venu premier servi ». Or selon une jurisprudence constante, aussi bien des tribunaux que de l’OMPI, ce principe ne s’applique pas en ce qui concerne les appellations commerciales.
Enfin, une protection effective des noms de marque au Maroc recommande une veille de la part des professionnels du droit (de l’enseignement, des tribunaux et du barreau). Dans l’affaire du squattage du nom de domaine de la MAP (maghrebarabepresse), nous avons troué les pires difficultés à faire juger en référé cette affaire grave, en essayant de lui faire partager la gravité de l’acte et en l’invitant à constater la contravention sur écran, par un huissier de justice. De même, dans l’affaire du typosquattage du nom de domaine (Ittijariwafabank), le contrevenant a été jugé par le tribunal pour délit de piratage et condamné à ce titre à une peine d’emprisonnement lourde de 6 mois.
L’auteur :
– Juriste expert en droit des NTICs
– Expert consultant du PNUD, membre du panel des experts de l’OMPI en arbitrage des conflits de nommage