Alors que l’Icann, organisme chargé d’administrer les noms de domaines au niveau mondial, se réunit à Sydney du 21 au 26 juin, retour sur les enjeux de la gouvernance d’Internet avec Loïc Damilaville directeur adjoint de l’AFNIC, l’Association française pour le nommage Internet en coopération, qui gère le « .fr ».
E24: La libéralisation des extensions de noms de domaine (.com, .org,…) est au menu de la réunion de Sydney. Quel en est l’intérêt pour les clients?
Loïc Damilaville: Avec la libéralisation des extensions, nous allons changer d’échelle. Aujourd’hui, il en existe 270, dont 15 extensions génériques. Avec la réforme envisagée, tout le monde pourra déposer un dossier de création d’extension de nom de domaine (.fleur, .alsace, .cocacola, etc.), et en créer un moyennant finance (185.000 dollars à verser à l’Icann). Suivant les projections, nous pourrions nous retrouver avec 500 à 1.000 candidatures.
Aujourd’hui, le choix des extensions est limité pour créer des adresses web. Libéraliser, c’est ouvrir le champ des possibilités pour les clients.
Mais l’intérêt est aussi clairement de relancer le marché des noms de domaine, qui a tendance à s’essouffler. De 2004 à 2008, les bureaux d’enregistrement, des sociétés privées à qui il faut s’adresser pour obtenir une adresse web, ont connu une croissance de 30% par an. Depuis début 2009, le rythme s’est ralenti à 10%, pour un marché global d’environ 4,5 milliards d’euros.
Les entreprises qui détiennent des marques freinent la réforme des quatre fers. Elles craignent que cela n’entraîne des coûts supplémentaires. Depuis 10 ans, elles mènent déjà une stratégie d’achat préventif des noms de domaine afin de protéger leurs marques. Si plus de 1.000 extensions sont créées en quelques mois, alors elles devront multiplier les dépôts défensifs. Elles tentent donc d’imposer un groupe de travail qui déterminerait les personnes physiques ou morales aptes à déposer des noms de marques existantes.
L’Icann dépend du département américain au Commerce. Certains s’en plaignent. Cela va-t-il changer?
Certains, comme l’Union européenne, aimeraient en effet une gouvernance internationale sur les extensions de noms de domaine. En effet, le système des noms de domaine dépend d’une base de données qui recense toutes les extensions. Si le gouvernement américain décide de supprimer le « .fr », il a la capacité de le faire via l’Icann. Même si cela reviendrait à déclarer la guerre à la France.
Outre cette situation extrême, la domiciliation de l’Icann en Californie pose le problème de la gestion des données personnelles qui dépend donc du droit californien. Quand un bureau d’enregistrement vend un nom de domaine à une société hexagonale, celle-ci dépend par capillarité du droit américain.
L’administration Obama va-t-elle changer les choses?
Pour l’instant, elle n’en prend pas le chemin. D’après des rumeurs persistantes, elle envisagerait de nommer prochainement un ancien du département américain à la Sécurité intérieure à la tête de l’Icann. Bref, quelqu’un qui vient d’un monde où la sécurité numérique doit faire l’objet d’un contrôle étroit de la part des Etats-Unis.
Propos recueillis par Guillaume Guichard
source e24.fr