A propos de : TGI Paris, 3ème ch., 3ème sect., 9 avril 2008, Comité interprofessionnel du vin de Champagne contre Cornu S.A.
Par un jugement du 9 avril 2008, le Tribunal de Paris, saisi par le CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne), a interdit à une société suisse et à sa filiale française d’utiliser la dénomination «Champagne» pour la présentation de ses biscuits apéritifs, aux termes de l’article L. 643-1 du code rural qui protège une appellation d’origine contre tout emploi susceptible de détourner ou d’affaiblir sa notoriété. Le CIVC a immédiatement salué cette décision qui «confirme la jurisprudence constante des tribunaux français qui ont déjà sanctionné, et à de nombreuses reprises, l’utilisation de l’appellation Champagne pour désigner tous types de produits ou même de services, notamment une cigarette, un parfum, un bain moussant, une bougie et, récemment, un bar-restaurant». Et de fait, le même tribunal avait déjà condamné l’emploi de dénominations comme «Biscuits Champagne» ou «Boudoirs Champagne» (TGI Paris, 13 oct. 2000, PIBD 2001. III. 122).
Mais le CIVC est trop modeste dans l’expression de sa satisfaction et risque ainsi de nous faire passer à côté de deux éléments très originaux de cette affaire. Tout d’abord, il faut relever que la dénomination n’a pas été choisie tout à fait arbitrairement par le défendeur, comme dans tous les cas antérieurs, mais correspond au nom de la commune suisse du canton de Vaud dans laquelle il est établi. Ensuite, il faut noter que l’interdiction d’utilisation est prononcée également pour le site Internet que le fabricant exploite sous l’adresse www.champagne.ch avec la même référence au nom de sa commune.
Cette question d’homonymie s’est déjà posée à propos d’un autre produit de la même origine suisse : le vin. Il y a en effet une petite production viticole sur environ 30 hectares de la commune de Champagne (VD), ce qui portait ombrage au 33 500 ha de l’appellation française, qui va d’ailleurs être agrandie prochainement avec près de 10 000 ha supplémentaires. C’est ainsi que l’utilisation de la dénomination de champagne a été interdite aux viticulteurs vaudois par l’accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et la Confédération helvétique relatif aux échanges de produits agricoles. Cette interdiction a été contestée, mais sans succès : le 3 juillet 2007, le Tribunal de première instance des communautés européennes a déclaré le recours des «Champagnoux» irrecevable dans la forme, au terme d’une ordonnance de trente pages qui lui a permis de développer malgré tout longuement les questions de fond de cette affaire (TPICE, 3ème chambre, aff. T-212/02).
Ces décisions suscitent actuellement un grand émoi en Suisse, sur fond de revendications identitaires passionnées et un certain battage médiatique est organisé pour défendre un droit historique au nom de Champagne (www.champagne-village.com). Cependant, il conviendrait plutôt de continuer à traiter cette affaire juridiquement dans le cadre spécifique où elle est apparue : celui du droit de la propriété industrielle, et plus spécialement celui du droit des signes distinctifs. Or, sur ce plan, si le refus se comprend aisément en matière de dénominations de produits, il est un peu plus discutable pour le nom de domaine de l’internet.
auteur : Norbert Olszak
source Juriscom