« Le Sénat français a adopté en première lecture le projet de loi de lutte contre la contrefaçon [ameli.senat.fr]. En l’état, ce texte pourrait avoir un impact pratique dans le contentieux des noms en ‘ .fr ‘ enregistrés par des particuliers.
Aujourd’hui, le titulaire d’un droit de marque qui veut agir en contrefaçon en référé doit le faire dans les conditions de l’article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle. L’une de ces conditions est de démontrer devant le juge des référés qu’une action au fond est engagée contre le contrefacteur. Ce qui suppose de connaître le contrefacteur.
Le nouvel article L. 716-6 ajoute à la possibilité d’agir en référé celle d’agir sur requête. Et il sera possible de demander à la juridiction d’ordonner « toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente ou empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon » non seulement à l’encontre du prétendu contrefacteur, mais aussi à l’encontre « des intermédiaires dont il utilise les services » ! Ce qui signifie, dans le contentieux propre aux noms français, qu’il ne serait plus besoin de connaître l’identité d’un particulier ayant fait un enregistrement anonyme pour pouvoir obtenir, par exemple, le gel du nom de domaine : il serait a priori possible d’agir contre son registrar, car ce registrar est bien un « intermédiaire dont il utilise les services ». En revanche, il est moins certain que l’A.F.N.I.C. puisse être considérée comme un intermédiaire, le titulaire du nom ne passant pas de contrat avec elle.
Actuel article L. 716-6
Lorsque le tribunal est saisi d’une action en contrefaçon, son président, saisi et statuant en la forme des référés, peut interdire, à titre provisoire, sous astreinte, la poursuite des actes argués de contrefaçon, ou subordonner cette poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation.
La demande d’interdiction ou de constitution de garanties n’est admise que si l’action au fond apparaît sérieuse et a été engagée dans un bref délai à compter du jour où le propriétaire de la marque ou le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation a eu connaissance des faits sur lesquels elle est fondée. Le juge peut subordonner l’interdiction à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée.
Futur article L. 716-6
Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir, en référé ou sur requête, la juridiction civile compétente, afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente ou empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. Ces mesures ne peuvent être obtenues que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au requérant, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à son droit ou qu’une telle atteinte est imminente. (…)
Autre nouveauté qui peut intéresser ceux qui luttent contre les cybersquatteurs, celle-là relative au calcul du préjudice : « Pour évaluer le préjudice résultant de la contrefaçon, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l’atteinte. (…) » (nouvel article L. 716-14).
La discussion sur le projet de loi devrait se poursuivre à l’Assemblée nationale les 2 et 3 octobre prochains. »
Cédric Manara
Membre du comité scientifique de Juriscom.net
Professeur associé, EDHEC Business School
Source Juriscom