En matière de noms de domaine, les réservataires connaissent, en principe, une grande liberté. Ainsi, ils peuvent choisir librement le radical et l’extension de leur nom de domaine lequel, contrairement à une marque, n’a pas à être distinctif pour être valide. Cependant, ce n’est pas parce que l’enregistrement d’un nom de domaine n’est pas subordonné à l’examen de sa distinctivité que ce signe n’a pas à être distinctif.
En effet, le caractère distinctif du nom de domaine influera sur sa protection : seul le titulaire d’un nom de domaine distinctif peut en rechercher la protection sur le fondement de l’article 1382 du Code civil au titre de la concurrence déloyale. C’est cette règle constante qu’est venue rappeler la Cour d’appel de Bastia dans un récent arrêt du 20 mars 2013.
En l’espèce, le titulaire du nom de domaine mariagesencorse.com arguait de ce que l’enregistrement postérieur, par un tiers, du nom de domaine mariageencorse.com, constituait un acte de concurrence déloyale. Il demandait donc à la Cour de prononcer, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, l’interdiction d’utilisation du nom de domaine litigieux et la condamnation du défendeur à des dommages et intérêts. Il fut cependant débouté de ses demandes par la Cour d’appel qui, après avoir relevé que le nom de domaine mariagesencorse.com n’est que la juxtaposition d’un terme usuel et d’une provenance, considéra que « même s’il existe un risque de confusion dans l’esprit des internautes, les intimés ne peuvent valablement se prévaloir de la protection du nom de domaine, s’agissant d’un nom de domaine générique et descriptif de [leur] activité ».
Même raisonnement pour le Tribunal de commerce de Paris qui a estimé, dans un jugement du 24 mai 2013, que les titulaires d’un nom de domaine dont les termes consistent en la désignation nécessaire de leur activité « ne [pouvaient] revendiquer une protection qui aboutirait à leur reconnaître un monopole d’utilisation d’un terme descriptif ». En l’espèce, une société de pompes funèbres qui avait enregistré le nom de domaine « e-obsèques.fr » en 2011, se plaignait de ce que l’enregistrement du nom de domaine « i-obseque.fr » par le service municipal de la ville de Paris créait un risque de confusion.
Le Tribunal ne lui donna pas gain de cause et la solution se justifie aisément : l’action en concurrence déloyale étant issue de l’action en responsabilité délictuelle de droit commun, l’exploitant d’un nom de domaine devra, pour la mettre en œuvre, prouver qu’en faisant usage d’un signe distinctif postérieur identique ou similaire au sien, un tiers a commis une faute qui lui porte préjudice. Or, le réservataire d’un nom de domaine constitué d’un terme générique ou descriptif ne peut guère faire grief à un tiers d’avoir commis une faute en utilisant le même terme pour désigner des produits ou services identiques ou similaires, dès lors que ce terme est nécessaire ou au moins utile à cette désignation.
Prenez donc soin de choisir un terme distinctif au regard de l’objet de votre site si vous souhaitez, une fois le nom enregistré, pouvoir vous défendre contre l’usage par des tiers d’un signe postérieur identique ou similaire.
Auteur :
Romain Darriere
Avocat au Barreau de Paris
Marion Barbezieux
Juriste
Cabinet d’Avocats Dufour & Iosca
www.dufour-iosca.fr
Source : Village-Justice.com