L’étranger qui entre sur le sol nippon fait immédiatement connaissance avec cette figure obligatoire. Elle l’accompagnera durant tout son séjour sur l’Archipel. Impossible, et absolument déconseillé, de s’en défaire. Même après le retour du voyageur dans sa contrée d’origine ou durant ses pérégrinations ailleurs dans le monde, elle restera collée, non pas à ses semelles, mais à son… passeport. Cette figure, c’est le QR Code, une sorte de pictogramme truffé d’informations cryptées que l’oeil humain ne sait pas déchiffrer mais que les lecteurs spécifiques des autorités nippones comprennent.
Outre qu’il sert à étiqueter les « gaijin » (étrangers), ce petit parallélogramme sibyllin noir et blanc est un véritable carré magique qui ouvre la voie à nombre d’autres applications destinées au grand public, de la publicité à la traçabilité des aliments en passant par le paiement de services.
Créé par Denso Wave, filiale du groupe japonais d’électronique et de composants automobiles Denso (entité de Toyota), pour gérer les flux de pièces détachées, le QR Code stocke des données dans le sens vertical et horizontal, d’où son nom générique de ‘ code à barres en deux dimensions ‘.
Le QR Code peut contenir beaucoup plus d’informations qu’un traditionnel code à barres, tout en prenant moins de place. Il se lit plus facilement, sans signal infrarouge, dans n’importe quel sens, grâce à une forte redondance interne des données encodées. Last but not least, il peut enfermer des informations originellement transcrites en kanji (idéogrammes japonais venus du chinois), ce dont un vulgaire code à barres est bien incapable.
Inutile pour les usages grand public de s’équiper d’un périphérique de lecture dédié: tous les téléphones portables nippons savent lire les QR Code, via le capteur d’image (CCD ou CMOS) intégré, associé à un logiciel de décodage pré-installé ou téléchargé.
De fait, le QR Code s’immisce un peu partout au Japon, dans les magazines, sur les affiches publicitaires, les prospectus, les plans de villes, dans les expositions, et même sur les produits alimentaires. Presque tous les possesseurs de mobiles nippons l’ont déjà photographié. Tout le monde sait en voyant ce pictogramme à quoi il sert et comment l’exploiter, tant il est devenu fréquent et populaire.
Usages du QR Code
Apposé au bas d’une affiche publicitaire, le QR code permet au passant intéressé par l’objet vanté de récupérer instantanément et automatiquement avec son portable l’adresse du site internet mobile sur lequel il pourra trouver des compléments d’information sur ledit produit. Habitués à écrire de longs textes en japonais avec le clavier riquiqui de leur mobile, les Nippons sont en revanche beaucoup moins adroits quand il s’agit d’entrer une adresse de site mobile. Et pour cause, il sont peu familiers des caractères alphabétiques. D’où l’intérêt premier du QR Code. Avec lui, tout change, car le procédé est simplissime : il suffit, pour capturer ses données en un tournemain, de le photographier.
Avec les dernières versions de logiciel, il n’est plus même nécessaire d’appuyer sur la touche de déclenchement : il y a juste à cadrer le carré, même imparfaitement. De nombreux sites internet pour PC qui ont un pendant pour mobiles affichent un QR Code pour permettre aux visiteurs d’accéder très simplement à la version pour portable ou bien à un autre site recommandé sur leurs pages Web. Idem quand un QR code est associé à un article dans un magazine.
Même chose encore lorsqu’il est lié à la légende d’un objet présenté dans une exposition, comme ce fut le cas lors de la rétrospective des 30 ans du chaton rose ‘ Hello Kitty ‘ à Tokyo fin 2004. Sur un plan de ville, il permet d’accéder à une réplique numérique de la carte d’un quartier, avec des informations complémentaires sur les commerces, services et transports du lieu. Imprimé au bas d’une carte de visite, le QR Code permet d’entrer très simplement les coordonnées de la personne concernée dans le répertoire du téléphone portable sans rien avoir à saisir au clavier. Il est même possible de se faire confectionner un « hanko » (cachet personnel) sous forme de QR Code contenant l’ensemble de ses coordonnées personnelles.
Aux arrêts de bus, le QR Code permet d’accéder avec son mobile à un serveur pour connaître les horaires de passage.
Des milliers de QR Codes sont également imprimés un peu partout, sur les trottoirs, dans les galeries commerciales souterraines et les couloirs de métro du quartier huppé de Ginza à Tokyo, pour guider les passants, dans le cadre d’une expérimentation qui met aussi en oeuvre des étiquettes électroniques. Ce genre d’initiative se multiplie d’ailleurs un peu partout dans les quartiers commerçants et sites touristiques des villes nippones. Un QR Code peut aussi donner accès à des vidéos ou des musiques à télécharger dans son téléphone cellulaire, ou bien encore à des dessins à intégrer ensuite dans des e-mails mobiles.
Tracer les aliments avec le QR Code
En attendant la généralisation des étiquettes électroniques en lieu et place des codes à barres, et la commercialisation de portables équipés pour les lire, le QR Code peut aussi être très utile pour la traçabilité des aliments. Il permet à tout consommateur de connaître le circuit suivi par un produit alimentaire, de sa production à son arrivée en rayon. Le client n’a qu’à photographier le QR Code. Son téléphone se connecte alors à une base de données, via le réseau cellulaire, où sont stockés tous les renseignements relatifs au produit concerné (date de production, lieu, parcours, avec photographie de la ferme et de la trombine de l’exploitant).
Le QR Code apparaît enfin parfois à la télévision, à côté d’une adresse de site mobile, pour le télé-shopping. Là encore, il suffit de le photographier. On l’aperçoit aussi de temps en temps, en grand format, sur des écrans vidéos géants dans les lieux publics. Le procédé reste le même, bien que le passant le photographie à une distance de plusieurs mètres. On a même vu des QR codes caramélisés sur des chocolats et gâteaux !!
Payer grâce au QR Code
Ce ‘ carré magique ‘ a encore une autre vertu. Il peut aussi être utilisé dans le sens inverse, quand le téléphone portable ne fait pas office de lecteur mais d’afficheur. Ainsi, au parc d’attraction L’Aqua, au centre de Tokyo, le client peut payer les manèges grâce à son téléphone portable et au QR Code. Il se connecte au site internet mobile de L’Aqua, s’inscrit, réserve sa place et paie par imputation sur sa facture de service mobile. Une fois cette procédure achevée, il reçoit par e-mail sur son téléphone une image représentant un QR Code qu’il n’aura qu’à présenter à l’entrée la montagne russe pour embarquer dans un véhicule.
La compagnie japonaise All Nippon Airways (ANA) utilise un procédé similaire, en plus des puces sans contact, pour délivrer ses billets d’avion électroniques et permettre aux passagers d’embarquer sans enregistrement préalable dans les appareils effectuant des liaisons intérieures. Le portique à l’entrée de l’avion lit le QR Code sur l’écran du téléphone ou lit la puce sans contact au lieu d’avaler le coupon de vol en papier, lequel est devenu totalement obsolète.
Coca-Cola distribue pour sa part des bons de réduction pour des boissons, via les données associées aux signaux de TV numérique terrestre pour mobiles équipés d’un tuner. Il suffit pendant la diffusion de cliquer sur un lien pour recevoir le coupon sous forme d’image contenant un QR Code et de le faire lire ensuite par certains distributeurs de boissons équipés d’un lecteur de QR Code.
De l’esthétique du QR Code et de ses concurrents
Le QR Code a donc de nombreux avantages, mais il a aussi un inconvénient majeur: il n’est pas beau et gâche les pubs ! Qu’à cela ne tienne. Des petits malins ont trouvé diverses astuces pour le rendre un peu moins rebutant. Il existe ainsi des versions colorées et d’autres enrichies de petites figurines rigolotes ou d’images judicieusement positionnées à l’intérieur pour ne pas perturber la lecture, en exploitant intelligemment la redondance interne des données.
Cette amélioration esthétique est d’autant plus nécessaire que le QR Code a récemment vu arriver de Corée du Sud un rival multicolore, le Color Code. Ce dernier se présente sous la forme d’un carré dans lequel sont encodées des informations (généralement l’adresse d’un site internet mobile) via une combinaison de 25 taches vertes, rouges, bleues et noires. Le ColorCode est certes moins performant que le QR Code, puisqu’il ne sait pas encoder les kanji et comporte moins d’informations, mais il est beaucoup plus malléable du point de vue créatif. La forme des taches de couleurs importe peu. L’essentiel est qu’elles soient bien positionnées à l’intérieur et s’inscrivent chacune dans un carré de surface égale à 1/25e du total de l’aire du Color Code, dans le cas d’un modèle combinant 25 taches.
Par contre, le Color Code a encore un très lourd handicap : comme il peut se confondre avec une banale illustration, de nombreuses personnes ignorent qu’en le photographiant avec un mobile il donne accès à un site internet, à condition, en plus, d’avoir téléchargé auparavant le logiciel requis, ce dernier n’étant pas encore préinstallé.
L’intégration de données dans des documents visuels ne se limite pas à ces codes. Désormais, des techniques, comme celle conçue par Fujitsu, permettent de transformer toute images (photo, illustration) en élément codé, sans le dénaturer. Et ce en trafiquant les pixels sans que l’oeil humain perçoive la différence. Là encore, il suffit de photographier l’image pour accéder à un site internet mobile. Encore faut-il savoir que l’image imprimée dans un magazine comporte des données encryptées, puisque, comme pour le Color Code, cela ne saute pas aux yeux.
Dai Nippon Printing (DNP) a pour sa part développé un autre système qui se passe d’encryptage. En photographiant un produit du commerce et en expédiant l’image à une adresse donnée (processus semi-automatique), le produit est reconnu et le dispositif renvoie à des informations complémentaires le concernant sur un site. Toutefois, cette technique est limitée, puisqu’elle ne s’applique qu’à une sélection restreinte de produits préalablement contenus dans la base de données de DNP.
Le fournisseur de services internet nippon Rakuten exploite une technique assez proche pour proposer des spots de pub aux lecteurs d’un magazine gratuit. En photographiant un article de cette publication, le lecteur visionne sur son mobile la vidéo associée. Cette technique exploite aussi la reconnaissance d’images ou textes préalablement connus et recensés dans un serveur.
Pour conclure sachez enfin que l’encodage de données est aussi possible dans les sons. Le premier opérateur mobile nippon, NTT DoCoMo ainsi que le spécialiste des équipements audiovisuels JVC ont chacun mis au point un système qui permet de glisser un « signal sonore caché » dans une musique pour dire au téléphone portable (équipé d’un logiciel spécial) d’aller consulter tel ou tel site.
Les émissions de TV et spots publicitaires devraient aussi un jour comporter ce genre de signal subliminal, invisible à l’oeil nu ou inaudible, que les téléphones mobiles, eux, sauront exploiter, pour le plus grand bonheur des annonceurs.
Source Clubic